SpectaclesCréation le 17 avril 2018Théâtre de Quat'Sous, Montréal

Le Tigre bleu de l'Euphrate

de Laurent Gaudé

"Qu'on scelle cette porte
Et me laisse en paix.
J'ai un invité d'exception
Et je veux être tout à lui.
Dehors.
J'en ai fini avec le monde."

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À Propos

Babylone, 11 juin de l’an 323 avant Jésus-Christ. Alexandre le Grand, agonisant, attend la mort. Il a trente-deux ans. Celui qui a conquis les mythiques Samarkand et Babylone, battu Darius le roi des Perses et fondé l’un des plus grands empires de la planète va s’éteindre. Avant de partir, il se lance dans un dernier combat : un monologue fiévreux sur l’humanité, la mort, la haine et l’amitié.

Il se confie à nous, hommes et femmes de tout temps aux prises avec l’ambition et l’appétit insatiable des triomphes. Sa plus puissante arme aura été le désir : celui des conquêtes militaires comme celui des batailles spirituelles.

Le souffle épique de la langue de Laurent Gaudé donne corps aux territoires infinis d’Alexandre, ceux de son intériorité comme ceux de ses conquêtes.

Diffusions

17 avril au 26 mai 2018

Théâtre de Quat'sous, Montréal

17 au 20 octobre 2018

Centre national des Arts, Ottawa

29 novembre au 12 décembre 2019

Théâtre de Quat'sous, Montréal

24 mai au 16 juin 2024

La Colline - Théâtre national, Paris

17 au 20 octobre 2018

Centre national des Arts, Ottawa

24 mai au 16 juin 2024

La Colline - Théâtre national, Paris

Crédits

Texte: Laurent Gaudé
Mise en scène: Denis Marleau
Collaboration artistique et conception vidéo: Stéphanie Jasmin
Avec: Emmanuel Schwartz
Scénographie: Stéphanie Jasmin et Denis Marleau
Éclairages: Marc Parent
Musique: Philippe Brault
Costume: Linda Brunelle
Maquillage et coiffure: Angelo Barsetti
Design sonore: Julien Eclancher
Coordination et montage vidéo: Pierre Laniel
Assistance à la mise en scène: Carol-Anne Bourgon Sicard
Assistance au décor: Stéphane Longpré

Producteurs
Une coproduction d'UBU + Théâtre de Quat'Sous

Revue de presse

L'écrin imaginé par le metteur en scène et ses concepteurs est sans failles, la direction d'acteur est à couper le souffle, la langue est souveraine et l'interprète est au faîte de son art. C'est ce qu'il est convenu d'appeler un rendez-vous au sommet.

SÉQUENCES

Élie Castiel

Le texte de Laurent Gaudé sensibilise notre amour de la littérature et des récits en forme de monologues scéniques qui libèrent l’âme et enrichissent l’esprit. Pendant une heure et demie, Emmanuel Schwartz, monumental, grandiose, inégalable, habite le personnage, se pare de ses attributs méditerranéens et évoque l’Égée, la mer de cette partie du monde comme si elle détenait l’avenir de l’Humanité. Mais c’est aussi un regard sur le théâtre, sur l’art de la performance, sur la possibilité pour un comédien de posséder un personnage et le faire sien, le manipuler à sa guise pour le rendre immortel.

RADIO-CANADA (dessine-moi un dimanche)

Karyne Lefebvre

Une grande performance d’acteur, à couper le souffle, [Emmanuel Schwartz] tantôt animal, tantôt déchaîné, par moment on ne sait plus si on est devant un monstre ou devant un ange… Dans ce flot de mots qui nous happent, on sort de là franchement très impressionné par ce qu’on vient de voir.

[Emmanuel Schwartz] nous envoûte dès le début, de dos, avec sa voix d’outre-tombe. Plus tard, avec ses mains qui sculptent l’air et, encore, sur la pointe des pieds, ou, sur son grabat, contorsionné par la douleur ou la colère. Cette performance hors du commun ne serait possible sans le grand directeur d’acteur qu’est Denis Marleau. Il dose, module, sculpte la matière humaine, organique et y adjoint les magnifiques vidéos de Stéphanie Jasmin, au diapason de l’esprit divagant de l’agonisant. Souvenirs, visions ou fantasmes, en images floues comme il se doit, de paysages et de pays où le grand guerrier a vu et vaincu.

Un monologue magistral. On connaît le metteur en scène Denis Marleau pour la précision de sa direction d’acteur et ce spectacle ne fait pas exception. La prestation d’Emmanuel Schwartz est un sans fautes. Avec une diction impeccable, il module tons, rythmes et intensités pour nous tenir en haleine jusqu’à son dernier souffle Un spectacle à la fois exigeant et maîtrisé, comme on en voit trop peu.

PIEUVRE.CA

Hugo Prévost

Superbe. Magistral. Incroyable. Sur scène, Alexandre le Grand vient de mourir, achevé par un dialogue avec la Mort elle-même. Et dans la salle, le public relâche son souffle après 90 minutes d’une performance extraordinaire d’Emmanuel Schwartz.

La présence incandescente d’Emmanuel Schwartz accolée au texte magnifique de Laurent Gaudé Le tigre bleu de l’Euphrate, ces jours-ci au Quat’Sous, dans une mise en scène de Denis Marleau, est du grand art. Une scène blanche en guise de sarcophage célèbre le combat ultime d’Alexandre Le Grand contre la mort. Il a 32 ans à Babylone en 323 avant notre ère. Son parcours de conquérant est fait de bruit et de fureur. Bourreau et héros, personnage shakespearien avant la lettre, sa cérémonie des adieux touche au sublime, sur un souffle, des râles, des cris, le corps bientôt en transe du comédien en traversée au bout de lui-même.

Pour donner voix au monologue, Emmanuel Schwartz travaille au corps son héros mourant. Adroitement dirigé par Denis Marleau, le comédien incarne le personnage historique avec fougue et finesse, déclinant les tons et les postures pour nuancer sa figure glorieuse. De fin stratège à conquérant cruel, puis héros divinisé de son vivant, il se dévoile ici sous son jour le plus fragile.

Il faut dire que celui qui meurt est prodigieux : Emmanuel Schwartz ouvre la pièce avec une voix qui lui arrive du plus profond de la gorge. Alors oui c’est lent, oui c’est solennel, mais c’est autre chose qu’une simple histoire de diction. Emmanuel Schwartz fait comme remonter les mots de son ventre au bord de les vomir. Ce sont des râles, des grognements, feulements dignes d’un fauve moribond. Le tigre, c’est lui, mais tout de blanc vêtu ; le bleu c’est pour l’autre, le tigre qui lui apparaît et lui montre comment franchir l’Euphrate. Le bleu pour l’esprit de conquête, couleur des mers et du ciel. Le blanc du linceul, pour Alexandre comme emmuré dans cette superbe scénographie immaculée du sol jusqu’aux rideaux, toujours signée Stéphanie Jasmin et Denis Marleau. […] Une heure et demie, c’est le temps qu’il faut à Emmanuel Schwartz pour franchir l’Euphrate de ce théâtre lyrique. Comment ? En exténuant littéralement sa propre parole. La solennité vociférante du début, puis l’exaltation habitée du récit des conquêtes se délitent dans une impressionnante dernière prise de parole fluide et naturelle, parce qu’elle n’a plus rien à prouver. Superbe.

T T T (très bien). Emmanuel Schwartz incarne avec puissance un Alexandre le Grand à l’agonie. Dans ce monologue à la mélancolie testamentaire écrit par Laurent Gaudé, l’ancien roi de Macédoine assume tous les états d’âme d’un homme avant la mort avec une puissance musicale, accentuée par la sonorisation ajustée de sa voix mais obtenue surtout grâce aux nombreux registres d’émotions dont il est capable. Se profile alors l’image d’un conquérant audacieux, admirateur de l’Orient. D’un tyran sanguinaire, aussi. Un homme complexe tourmenté par un désir inextinguible d’inconnu. Avec ses projections d’images floutées évoquant les steppes traversées, la subtile mise en scène de Denis Marleau entraîne, l’air de rien, les spectateurs dans les (grands) pas d’Alexandre.

Pour rendre crédible ce récit et surtout incarner ce personnage « extraordinaire », homme ou demi-dieu, monstre ou génie, il faut un comédien qui se livre tout entier, et Denis Marleau l’a trouvé en la personne d’Emmanuel Schwartz. Il apparaît derrière un lit haut, d’abord caché et immobile, dos à la salle, couvert d’un drap puis s’animant, se tordant sur ce lit, roulant au sol avant de se relever face au public, comme face au dieu du monde des morts. Le corps est svelte et mobile avant de tenir la position hiératique de celui qui veut voir la mort en face. Il dit le texte avec application, articulant soigneusement chaque mot, les faisant claquer : Alexandre veut montrer qu’il n’a rien à cacher, qu’il se livre sans réserve. Il peut « s’arracher la gorge » ou prendre un débit plus calme, mais la prose qui brille de formules et de figures de rhétorique est toujours balancée avec la force du combattant et une belle lucidité agressive. L’espace environnant est d’abord fermé, pareil à un tombeau strié de gris puis s’anime de figures mouvantes quand Alexandre relate son périple, pour finir sur des tonalités de soleil couchant. Comme toujours chez Denis Marleau, le travail sur la lumière et les effets d’optiques sont remarquables. Du cousu main, raffiné, consensuel, mais digne d’un comédien de haut vol pour un empereur de légende.

La scénographie, faites de toiles blanches tendues de chaque côté de la scène sur lesquelles vont défiler subtilement des projections d’images et des jeux de lumière, possède la splendeur digne de cette Antiquité magnifiée. Tout cela s’accorde pour évoquer les paysages et les sentiments traversés par ce roi bâtisseur qui mène son dernier combat. […] Dirigé avec une précision d’horloger par Denis Marleau, le comédien Emmanuel Schwartz – qui joue également dans Terrasses dans la grande salle –, réalise une performance impressionnante. Les gestes et la parole s’unissent pour que les mots prennent leur envol. Du bel art !