SpectaclesCréation le 07 mars 2023Espace GO, Montréal

Le traitement de la nuit

d' Evelyne de la Chenelière

Des mots prennent vie et se jouent de nous pour créer un monde étrange dans lequel une jeune fille projette d’assassiner ses parents avec la complicité du jardinier.

Le traitement de la nuit
Le traitement de la nuit
Le traitement de la nuit
Le traitement de la nuit
Le traitement de la nuit
Le traitement de la nuit
Le traitement de la nuit

À Propos

Jérémie est un ex-détenu. […] Ma mère adore les ex-détenus, les ex-toxicomanes, les ex-prostituées, tous les parias auprès de qui elle peut faire oeuvre de miséricorde. Mes parents aiment raconter à leurs amis que notre paysagiste est un ex-détenu. – Léna

Léna est venue au monde un jour plein de lumière. Elle ne l’a pas aimé.

À la nuit tombante, ses parents, Bernard et Viviane, prennent leur repas en admirant la splendeur de leur propriété qui, grâce aux bons soins de Jérémie, leur nouveau jardinier, les fait se projeter dans un paysage infini. Léna surgit, de retour d’une nouvelle fugue, mais le couple fait comme si de rien n’était.

Lorsque la nuit tombe, cette scène se répète et se module au gré de l’obscurité qui révèle des mouvements inattendus au sein du quatuor. Plusieurs récits contradictoires s’inventent au fur et à mesure que la parole se déploie et qu’elle devient de plus en plus menaçante. Pour se libérer d’un patrimoine, écrasant privilège dont on n’a jamais fini de faire l’aveu, Léna et Jérémie projettent de tout sacrifier : père, mère et royaume. Meurtres réels ou fantasmés? La parole a-t-elle le pouvoir de façonner le réel?

Le traitement de la nuit est une tragédie qui se réalise par le langage. C’est en parlant que les personnages fabriquent un monde. Ici, la parole n’est plus au service de la communication, mais s’engage plutôt dans une entreprise de remodelage du passé, du présent et de l’avenir.

Dans cette nouvelle création, Evelyne de la Chenelière nous transporte vers des espaces où règnent le doute et l’incertitude : d’une situation réaliste, elle introduit graduellement des fissures temporelles et de l’étrangeté, révélant ainsi, souvent avec un humour incisif, les sombres contours d’une violence en quête de rédemption.

Elle pose ainsi la question de notre rapport sensible au monde et à la force de ses éléments. Comment l’alternance du jour et de la nuit agit-elle sur notre être et notre volonté? Comment rejoindre la beauté d’un paysage qui s’offre à notre vue? Comment rencontrer pleinement l’indicible? C’est la tragédie du langage, dans son échec à rejoindre la chair du monde et à faire récit de son chaos. Les personnages ne savent pas dire leur déroute, leur confusion, leurs peurs viscérales et encore moins leur amour.

DANS TOUTES MES PIÈCES, LES PERSONNAGES FONT USAGE DE LA LANGUE POUR TENTER DE RETROUVER L’INNOCENCE PERDUE, CHAQUE MOT PRONONCSÉ PAR UNE SORTE DE PROCÈS INTÉRIEUR SE SOLDANT INVARIABLEMENT PAR LE CONSTAT D’UN IMPOSSIBLE RACHAT. – Evelyne de la Chenelière

Evelyne de la Chenelière se consacre au théâtre et à l’écriture depuis plus de vingt ans. Issue du Nouveau Théâtre Expérimental, elle aborde l’écriture dramatique comme un laboratoire de recherche, un atelier de fabrication d’où elle tire une partition destinée au plateau, un texte écrit pour traverser le corps des acteurs. Pourtant, ses pièces de théâtre, traduites et montées au Québec comme ailleurs dans le monde, sont aussi des œuvres littéraires, pleines et autonomes, qui interrogent la langue comme conditionnement de l’expression et de la pensée. La pièce Lumières, lumières, lumières, créée dans une mise en scène de Denis Marleau à l’automne 2014, marque le début de sa résidence artistique de trois ans au Théâtre Espace GO. S’ensuivent les pièces Les lettres d'amour dans une mise en scène de David Bobée en 2016, La vie utile mise en scène par Marie Brassard en 2018, puis sa réécriture d’Électre, dans une mise en scène de Serge Denoncourt. Le cœur de cette résidence fut le chantier d’écriture que l’artiste a déployé sur un mur du théâtre, dans un geste interrogeant le devenir et le recommencement. Le parcours d’Evelyne de la Chenelière est marqué par une recherche constante et un désir de questionner l’art vivant, tant par l’écriture que par le jeu. Elle est lauréate de nombreuses distinctions, dont le prix Marcel-Dubé en 2020 pour le recueil La vie utile, précédée de Errance et tremblements, et le prix du Gouverneur général du Canada pour Désordre public en 2006. La finesse de son œuvre fait d’elle l’une des figures les plus significatives de la dramaturgie québécoise.

Diffusions

Du 7 mars au 2 avril 2023

Espace GO, Montréal

Crédits

Texte: Evelyne de la Chenelière
Mise en scène: Denis Marleau
Avec: Anne-Marie Cadieux, Henri Chassé, Lyndz Dantiste, Marie-Pier Labrecque
Assistance à la mise en scène et conception d'accessoires: Carol-Anne Bourgon Sicard
Scénographie et vidéo: Stéphanie Jasmin
Assistance au décor: Marine Plasse
Composition: Philippe Brault
Costumes: Ginette Noiseux
Éclairages: Marc Parent
Design sonore: François Thibault
Diffusion et montage vidéo: Pierre Laniel
Maquillages et coiffures: Florence Cornet

Équipe de production
Direction de production: Mélissa Perron
Direction technique: Étienne Boucher Cazabon
Habilleuse: Nicole Langlois
Régie lumière et vidéo: Kyllian Mahieu
Régie son : Guy Goudreau

Producteurs
Une coproduction d'UBU + Espace GO

Revue de presse

EN TOUTES LETTRES

Mario Cloutier

La troupe dirigée magnifiquement par Denis Marleau; la scénographie froide à souhait de Stéphanie Jasmin. Tout nous place devant un cercle humain aussi infernal qu’insipide. (...) Parmi l’assistance, on se partage rires et étonnement entre innocence et cynisme. Sans aucun souci de réalisme, Le traitement de la nuit nous fait voir tout ce qui ne va pas, ne va plus, dans notre confort et notre indifférence d’après crise pandémique, dans nos angles vraiment morts et nos faillites intimes.

LA PRESSE

Stéphanie Morin

À la mise en scène, Denis Marleau a choisi de donner au texte toute la place qui lui revient en réduisant les effets scéniques au strict minimum. Une table, six chaises. Des déplacements chorégraphiés avec soin. Le tout est magnifié par les projections en arrière-scène de sa complice Stéphanie Jasmin, lesquelles se veulent tantôt apaisantes, tantôt terriblement anxiogènes. Ce texte en constante modulation, porté avec aplomb par des interprètes fort bien dirigés, est sans conteste déroutant par moments, mais il nous garde malgré tout collés à nos bancs. Sa forme éclatée, son humour, la beauté de ses mots : la pièce d’Evelyne de la Chenelière reste sans conteste un objet théâtral fascinant.

LE DEVOIR

Christian Saint-Pierre

En ayant recours à de subtiles modulations dans la voix et les gestes, Denis Marleau donne un spectacle soigneusement réglé, soixante mystérieuses minutes que les conceptions de Stéphanie Jasmin (scénographie et vidéo), de Marc Parent (éclairages) et de Philippe Brault (musique) transforment en expérience sensorielle. Entre les ombres et les lumières, les paysages projetés et les corps qui s’y incrustent, les mots et les notes qui les soutiennent, un riche dialogue s’établit.

JEU, REVUE DE THÉÂTRE

Dominique Denis

Tout est implicite dans le foisonnant texte onirique d’Evelyne de la Chenelière. Et la riche partition est mise en scène avec maestria par Denis Marleau, alors que chaque mot, chaque phrase prennent des sens insoupçonnés. L’œuvre est portée par un quatuor investi, mordant visiblement avec plaisir dans cette parole singulière. (...) La scénographie de Stéphanie Jasmin réussit merveilleusement à nous faire passer de la réalité au rêve grâce entre autres à des séquences vidéo, à la fois somptueuses de beauté et effroyables de mystère. Les lumières de Marc Parent et la musique de Philippe Brault enveloppent admirablement bien le tout.

LE JOURNAL DE MONTRÉAL

Emmanuel Martinez

La solide distribution est menée de main de maître par Denis Marleau. Sa mise en scène est chirurgicale. Tous les gestes, les intonations et le rythme semblent soigneusement dosés dans cette proposition qui ne dure qu’une heure. Anne-Marie Cadieux est brillante dans le rôle de cette mère dépressive, mais énergique. La scénographie et la vidéo de Stéphanie Jasmin forcent aussi le respect. Le décor stylisé est tout simplement parfait. C’est du travail extrêmement réussi.

ATUVU.CA

Jérôme Bouclet

Une œuvre à ne manquer sous aucun prétexte! Applaudissements! Stand-up ovations! À la fin de la pièce! C’est drôle et c’est si bien écrit! J’étais hilare devant ces personnages qui prétendent que tout va bien alors que tout va mal, qui n’ont rien à se dire et qui répètent inlassablement les mêmes mots pour combler le vide terrifiant de leur vie; qui cherchent désespérément un moyen de donner du sens à leurs actions...